mardi 3 juin 2014

Lettre ouverte d'un « nationaliste » aux fédéralistes

Voilà cinquante sept ans que le Traité de Rome a été ratifié initiant ce que les uns appellent la construction européenne, et ce que je me plais pour ma part à qualifier de démolition européenne.

Parmi les défenseurs de cette idéologie politique, il y avait et il y a, c'est certain, de véritables mafieux à la solde de puissances étrangères, d'un système bancaire fou et de lobbies industriels. Dans les cercles où nous nous battons pour faire valoir nos idées, nous appelons ces gens « des européïstes ». Cependant, j'ai coutume de discuter avec mes opposants et de fait, je ne puis que me rendre compte qu'il y a aussi des partisans de cette « construction » qui ont une vision sincère, universaliste et démocratique de ce projet. Ce sont les fédéralistes.

Je tiens donc à leur faire part de mon sentiment sur l'avenir politique de l'Union Européenne, et la seule chance pour ses honnêtes défenseurs, de pouvoir faire survivre leur idée à une explosion inéluctable de ce qui se révèle aujourd'hui être une dictature technocratique irréformable.

Les fédéralistes comme les nationalistes, ont à peu de choses près, la même analyse des problèmes posés par l'Union Européenne et l'euro. Je ne souhaite donc pas m'étendre ici sur l'hérésie économique et monétaire imposée par les traités actuels, pour mieux me concentrer sur la réponse politique la plus juste et démocratique qu'il convient de donner.

Et je ne puis qu'appeler les fédéralistes qui consentiront à lire ma lettre ouverte, à concéder qu'il faudra distinguer temporairement de ce qui relève d'un vœu politique, et des urgences auxquelles il faut désormais répondre, sous peine de voir sombrer l'Europe dans les abîmes d'une époque que l'on souhaitait révolue.

Si les fédéralistes ont un peu d'honnêteté intellectuelle, ils ne peuvent que constater que les résultats électoraux témoignent que leur vœu politique ne fédère pas massivement les Français. Bien au contraire, les partis populistes ou sincèrement Gaullistes ou Républicains, sont en train de progresser rapidement au fur et à mesure des élections. Les deux grands partis de pouvoir, de leur côté s'effondrent du fait des trahisons sempiternelles de nos dirigeants, des affaires judiciaires dans lesquels ils sont empêtrés et leur incompétence réelle à gérer les affaires de la Nation.

Les partis fédéralistes incarnés par EELV, le Modem et l'UDI jouissent d'une relative stabilité, quoi que ne parvenant pas convaincre suffisamment pour empêcher leur déclin. Leurs associations respectives tant vis à vis de l'UMP ou du PS sont considérées à juste titre par les Français, comme du rabattage électoral et une absence d'identité idéologique propre. En outre, leur vision libérale de l'économie ou culpabilisatrice sur l'écologie agace les Français, plus habitués par des siècles d'histoire, à l’État providence, régulateur et même planificateur de l'économie. Nous ne serons décidément jamais Américains, Allemands ou Scandinaves, et c'est le tort politique des fédéralistes que d'oublier ce qui fait le ferment culturel des Français.

Désormais donc, c'est le Front National qui émerge doucement mais sûrement, en surfant sur les mécontentements liés à l'insécurité qui règne dans les banlieues, une politique migratoire qui déstabilise les repères identitaires de la Nation outre le dumping social qu'elle génère, et bien sûr sur la dictature des traités européens et de l'euro sur nos vies.

De son côté, la gauche protestataire s'effondre sur le fait qu'elle donne des réponses ambiguës voir parfaitement à l'antithèse des espérances communiquées par le peuple. Mais elle n'a pas dit son dernier mot. De nombreux activistes communistes ou réellement socialistes, se battent au sein du Front de Gauche pour au moins faire accepter l'idée qu'il faille en finir avec l'U.E, l'euro et l'OTAN, et progressivement, le débat s'installe autant que l'idée dans les esprits.

Plus au centre de l'échiquier, des partis Gaullistes comme Debout la République et plus encore l'Union Populaire Républicaine, sont en train d'émerger fortement malgré la censure des médias. Ils apportent une réponse plus modérée sur d'innombrables sujets caricaturés par le Front National ou le Front de Gauche, mais se veulent radicaux dans la nécessité de sortir des traités européens.

Et cela n'est que la description de l'univers politique Français. Partout en Europe, les partis euro-athées progressent fermement. L'AfD en Allemagne, le Mouvement 5 étoiles en Italie, UKP au Royaume-Uni, etc.

Si le réalisme économique sur les dérégulations européennes et l'imposture monétaire qu'est l'euro fondent une partie de la montée de l'euroscepticisme en Europe, ce qui reste le premier marqueur des nationalistes partout sur le sous-continent, est la défense de la Démocratie.

On a coutume de présenter les nationalistes comme des nazillons d'opérette, idolâtrant tous les régimes fascistes du monde. Rien n'est plus faux. Un nationaliste est étymologiquement une personne qui défend les intérêts de la Nation, c'est à dire son peuple.  Les nationalistes sont convaincus que la stabilité des frontières et des mythes nationaux sont des préalables à l'organisation politique d'un peuple, et sa quête sans cesse inachevée, mais la plus sereine que possible, de la Démocratie.

Et il faut leur reconnaître que les pays du monde considérés comme les plus avancés sur la Démocratie sont bien des Nations qui sont soit en dehors de l'euro, soit en dehors de l'U.E. La Norvège, l'Islande et la Suisse ne sont pas dans l'U.E et sont parmi les mieux classées sur le respect de la démocratie. La Suède et le Danemark qui ne sont pas dans l'euro sont aussi très bien positionnés. Et que dire de ces nombreux Pays d'Amérique du Sud tel que l’Équateur, la Bolivie ou le Venezuela qui inspirent énormément les Français souhaitant rédiger une constitution protectrice des intérêts du peuple, et régulant et planifiant l'économie dans une perspective sociale et écologique à long terme. Ce n'est pas par ce que nous subissons une propagande très atlantiste sur ces pays, que les Français se laissent duper sur les réalités constitutionnelles de ces Nations. Ni leurs efforts pour évincer les multinationales prédatrices de leur territoire, ou à minima, leur imposer des règles qui ne soient pas contraires aux intérêts fondamentaux de leurs peuples.

Tous ces pays sont indépendants et ont des poids et structures économiques différents, bien que jouissant de taux de croissance à faire pâlir les États-Membres de la zone euro.

Écarter d'un revers de main ce qui fonctionne, dans le seul souci de vivre un rêve éveillé sur Union Européenne démocratique et sociale qui n'existe pas, devient par la force des choses, de l'irresponsabilité politique. Il y a ce que l'on souhaite idéologiquement, et il y a le mur des réalités auquel il faut faire face. Les peuples rejettent l'Union Européenne, car ils sentent bien que ce projet fou correspond à la négation du droit des peuples à disposer d'eux même. Ce qui est le premier fondement de la Démocratie. Dans la constitution Française, on appelle cela la Souveraineté Nationale.

Et plus nos responsables politiques s'enfermeront dans leur idéologie européenne, plus les peuples par réaction de survie, chercheront des solutions politiques les plus stratégiques pour résister. Quitte à donner leurs voix à des mouvements politiques franchement sulfureux, faute de ne pas pouvoir trouver mieux, en tout cas dans la représentation politique visible médiatiquement.

Face à ce constat, que peuvent espérer les fédéralistes qui soit raisonnable, et ne mette pour autant pas un terme à leur pensée européenne ?

Tout d'abord, et je serais très clair : Au vu des urgences géopolitiques, économiques, sociales et démocratiques, il est nécessaire que la France sorte de l'U.E, l'euro et l'OTAN complètement. C'est un préalable à toute reconstruction institutionnelle d'un autre idéal européen.

Vouloir unifier un sous-continent aussi diversifié dans ses langues, cultures, histoires et fondamentaux économiques n'est pas le projet d'une vie, mais bien de plusieurs générations.

Et si ce projet doit s'imposer au mépris de la volonté des peuples, il est voué à l'échec. Rappelons que les Soviétiques scandaient comme les européïstes aujourd'hui, qu'il fallait plus d'Union Soviétique pour résoudre la crise politique qui se finirait néanmoins par l'éclatement de l'URSS.

Rappelons aussi que l'éclatement de l'URSS n'a pas généré de guerres civiles et du totalitarisme. Bien au contraire, dans l'ensemble, le démantèlement de cette institution supra-nationale a été positive pour les peuples concernés.

Il faut donc mettre un terme à l'Union Européenne, et rendre leur Souveraineté aux peuples. Une fois cela fait, il sera alors temps de proposer de nouvelles fondations. Si le « nationaliste » que je suis est capable de faire un effort intellectuel pour vous les soumettre, malgré mon hostilité de principe à cette idée, c'est que je pense que cela peut ménager la chèvre et le choux dans chacune de nos idéologies respectives :

En premier lieu, toute unité politique d'une communauté internationale se fonde sur des valeurs partagées sur des grands principes démocratiques. A ce titre, il serait utile de proposer à tous les peuples d'Europe qui le souhaiteraient, de rédiger eux-même et sous forme de démocratie directe, une Charte Européenne des Droits de l'Homme. J'insiste sur le principe de démocratie directe pour deux raisons :

La première étant que nos parlementaires ou représentants ont jusque là plus souvent prouvé qu'ils privilégiaient la défense de leurs intérêts carriéristes ou des intérêts privés dans la rédaction des traités ou projets de loi. La seule façon de soumettre la représentation politique des Nations à un cadre juridique transnational réellement légitime, c'est de veiller à ce que les peuples en soient à l'initiative. A l'ère d'internet, cela peut être grandement facilité.

La seconde raison étant que les peuples n'accepteront plus d'entendre parler de projet européen après l'éclatement de l'Union Européenne (que cela soit organisé ou dans le chaos), sauf s'ils ont la main sur une nouvelle construction. C'est donc une raison plus politique qui impose de laisser les peuples choisir quels sont les droits fondamentaux qu'ils souhaitent préserver, leur caractère absolu ou non, et comment ces droits fondamentaux soumettront leur représentation politique.

Les différents projets de Charte Européenne des Droits de l'Homme devront être soumis partout en Europe à Référendum contraignant. Les parlementaires ne pourront les approuver, pas plus que les chancelleries ne pourront décider de leur ratification ou non.

Une fois la Charte Européenne des Droits de l'Homme approuvée, il faudra reconstruire une institution judiciaire supra-nationale pouvant les faire respecter. Il faudra veiller à ce que cette institution soit sous réel contrôle démocratique.

La seconde institution qui pourrait être remodelée serait le parlement européen. Celui-ci devrait pouvoir s'étendre aux 47 pays siégeant au Conseil de l'Europe avec une porte ouverte à la Biélorussie. Un parlement n'est pas l'émanation des pouvoirs exécutifs des Nations, mais bien l'émanation des peuples directement. Il ne saurait être question de porter des jugements moraux sur les régimes des pays slaves haïs des U.S.A, nous sommes européens et nos peuples respectifs doivent pouvoir communiquer librement, en dehors de toute supervision étrangère à nos intérêts mêlés.

Ce parlement devra s'inspirer dans son élaboration de la rédaction de la Charte Européenne des Droits de l'Homme. Il devra être pensé par les peuples, approuvé par référendum contraignant, et ne pourra subir de rattrapage politique des pouvoirs exécutifs.

Dans l'idéal, ce parlement s'inspirera des réflexions les plus abouties en Europe sur ce qui fait la légitimité d'une représentation parlementaire. A savoir le suffrage par le sort plutôt que par le choix. Montesquieu l'avait parfaitement expliqué dans « l'esprit des lois » :

« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l'aristocratie. Le sort est une façon d'élire qui n'afflige personne; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie ».

Ce parlement ne pourrait avoir un pouvoir supra-national. Pour autant, il pourrait réunir des citoyens de tous pays, pour que ces derniers fassent des propositions sur tous sujets, qui seraient soumises à l'aval des parlements nationaux.

Ce système garantirait que les Souverainetés Nationales resteraient profondément respectées, mais que cette nouvelle Union Européenne gagnerait enfin ses galons démocratiques. En outre, elle imposerait aux parlementaires européens de savoir se concerter sur des projets de lois qui ne puissent violer les intérêts fondamentaux des Nations, au risque d'être rejetés par les parlements nationaux. Ce nouveau parlement Européen ne pourrait donc que travailler en actant la réalité de la diversité européenne. C'est ce qui ferait son intérêt et sa légitimité.

Enfin, pour unifier une communauté politique, il est évident qu'il faut une langue commune. Une langue qui ne soit pas celle d'un peuple plutôt que d'un autre, mais bien une langue nouvelle. L’espéranto est souvent cité, mais d'autres travaux existent en matière de création linguistique. Il reviendrait à ce parlement européen d'en discuter, et proposer à tous les peuples un enseignement de cette langue universelle dès l'école primaire.

Il faudrait alors attendre au moins une à deux générations pour proposer d'aller plus loin vers le fédéralisme européen. Car sans langue commune (donc identité commune) et validité démocratique éprouvée sur le long terme d'une nouvelle institution européenne, les peuples n'accepteront jamais de perdre leur Souveraineté Nationale pour acquérir une Souveraineté Européenne.

Si les fédéralistes Français ayant lu cette lettre comprennent les inflexions qu'un nationaliste peut formuler pour restaurer en urgence l'état de droit partout en Europe, et mettre un terme à la crise économique et politique qui détruit les Nations, alors en défendant un tel programme politique, ils pourront assurément être entendus des Français. Pour la bonne et simple raison qu'ils prouveront être capables de se remettre en question (qualité politique très appréciée par l'électorat), qu'ils sont suffisamment responsables pour distinguer leur idéologie politique des réalités auxquelles ils seraient appelés à faire face s'ils devaient gouverner, cela en plus d'être considérés depuis longue date comme incarnant des partis politiques modérés et aptes à prendre le pouvoir.

Il n'en reste pas moins que les fédéralistes (en général centristes) devront aussi se remettre en question sur le libéralisme qu'ils défendent. Les Français ne sont assurément pas libéraux. Cette thèse économique peut tout à fait être explorée s'agissant des petites entités économiques, mais en aucun cas s'agissant des monopoles industriels ou du système social issu du Conseil National de la Résistance auquel sont attachés les Français. Ce n'est donc pas seulement sur leurs vues fédérales que les centristes devront évoluer, mais aussi sur leur pensée économique. A défaut, ils continueront de rester éloignés du pouvoir exécutif, car les Français refuseront de voter massivement pour leurs représentants.

Puisse cette lettre ouverte, initier à minima un débat sur ces questions, dans les partis politiques que j'ai cité.

Sylvain Baron