vendredi 30 décembre 2016

Lettre ouverte à Jean-Luc Mélenchon

Cher Jean-Luc,

J'espère que tu concéderas accorder de l'attention à cette lettre ouverte que je te ferai de toute façon parvenir par la poste. Je ne suis ni un adversaire, ni un partisan. J'ai joué le jeu de ton ouverture s'agissant du suffrage par le sort dans le cadre de la Convention de la France Insoumise, et lorsque j'y suis venu, je me suis senti respecté et en paix parmi des gens bienveillants, investis, et ayant un profond désir de changement dans notre pays. Par l'entremise d'Eric Coquerel, je t'ai remis un exemplaire de mon livre "Révolte !", et sache qu'en tant que précaire, t'offrir un exemplaire imprimé avec mes deniers propres pour que tu lui accordes de l'attention, ça n'est pas de la défiance.

Cependant, à l'égale de toutes les personnalités politiques un tant soit peu éduquées et favorables aux peuples, tu n'obtiendras jamais mon soutien plein et entier si tu contribues à entretenir des tactiques politiciennes d'un autre âge pour remporter la course aux présidentielles. En tant que révolutionnaire assumé, je refuse de revenir vers le jeu électoral tant que certaines conditions n'auront pas été réunies pour lui donner ses lettres de noblesse:

- C'est au peuple de plébisciter tant son chef d'Etat, que son gouvernement. Non aux médias dans le cadre des lacunes sérieuses gravées dans notre constitution et le code électoral, de décider de la méthode permettant de consacrer la légitimité du pouvoir exécutif pour le moins. Il revient au chef d'Etat de composer avec la diversité d'un gouvernement d'union nationale et clairement reconnu pour ses compétences sur des sujets clé valant ministères. Le chef d'Etat nous représente en tant que premier maillon de la chaîne de commandement militaire et diplomatique et comme arbitre entre les intérêts défendus par chaque ministre dans des réformes à spectre d'action large qu'il s'agit d'équilibrer au mieux.

Si la vision et la culture générale d'un seul homme sont bel et bien un atout pour arbitrer l'ensemble des décisions relevant du mandat présidentiel, ce sont bien des experts qui ne sont pas forcément des personnalités "politiques" au sens des partis, qui peuvent chacun en leur domaine, représenter une part de la vision politique de la dissidence intellectuelle française. Claude et Lydia Bourguignon sont ainsi des personnes qui se sont distinguées sur les questions agronomiques, et qui sont désormais très écoutés par des citoyens fortement politisés (qu'ils aient des convictions partisanes ou non du reste). De la même façon, Etienne Chouard serait sans nul doute plébiscité à une écrasante majorité des militants du web et du terrain, pour un mandat de Conseiller d'Etat à la Constituante sous supervision d'un Ministère de l'Intérieur pouvant lui-même être incarné par Alexandre Langlois, Bertrand Soubelet ou toute autre personne.

Si les Français les plus attentifs sur les différents sujets qui représentent une part des orientations de politiques publiques possibles dans le futur, pouvaient soumettre au suffrage de leurs compatriotes, leur propre plébiscite d'un citoyen français connu ou non, mais dont l'expertise et la vision mériteraient qu'il soit plus audible, et peut-être un jour en charge de mener un certain nombre de réformes utiles, alors la légitimité du pouvoir exécutif pourrait trouver sa puissance et sa stabilité, cela malgré l'institution de la démocratie. Le pouvoir conféré au peuple de faire et défaire sa représentation et ses lois directement, impose de réclamer le commandement suprême non en solo, mais bien en équipe avec une vision générale incarnée par les plus écoutés.

C'est d'autant plus vrai en 2017 où nous sommes encore au début d'une réelle naissance civilisationnelle (et extinction d'une autre), car Internet institutionnalise la Démocratie là où elle n'existe pas dans les Constitution. Les quelques lois indignes portant gravement atteinte à la liberté d'opinion et d'expression existant en France, ne peuvent rien contre une encyclopédie et un lieu de débat sans cesse mise à jour, et consultable depuis un smartphone jusque dans des lieux très reculés de nos campagnes. Les médias et les puissances financières qui les influencent, n'ont toujours pas compris que leur régime de propagande est déjà d'un autre âge, et que la Révolution arrivera tôt ou tard si les journalistes ne redeviennent pas professionnels et consciencieux dans leur travail. Car désormais, le peuple est son propre journaliste autant que son propre universitaire. La connaissance est à la portée de tous, et aucune propagande de guerre, de terreur économique ou sécuritaire, ne pourra croître en influence dans les consciences. Ce temps là est désormais terminé, est l'oligarchie court à sa perte, c'est inéluctable. Que cela prenne quelques mois ou encore 10 années - si aucune déflagration mondiale n'intervient d'ici-là sur une pénurie de matières premières - un autre monde va émerger, et il deviendra extrêmement difficile pour les représentants politiques de demain, de pouvoir poursuivre leur "carrière" s'ils trahissent leur peuple. De la même façon, les clivages stériles sur les convictions partisanes des citoyens entretenus par les médias et les politiciens eux-mêmes, va continuer de s'effondrer car l'écrasante majorité des Français se contrefiche des hystéries religieuses des partisans les plus sectaires. Les périls de l'extrême droite ou de l'extrême gauche que l'on agite en épouvantail pour nourrir le pathos des partisans, n'atteint pas l'écrasante majorité du peuple qui n'est encartée à aucune formation politique. Car cette majorité est profondément laïque et à l'écoute de toute les opinions pour forger la sienne propre. L'écrasante majorité du peuple est donc "modérée" politiquement, car elle écarte les considérations sociétales trop radicales ou sensibles de ses aspirations politiques, ne retenant que ce qui est essentiel à tous. Ainsi, les Français ne veulent ni accueillir toute la misère du monde comme les sans-frontiéristes veulent nous l'imposer, ni réguler les questions migratoires de façon inhumaine. De même qu'il se trouvera peu de Français à vouloir remettre en cause le droit à l'avortement, quand bien même il existe des opinions plus conservatrices sur ces sujets, qui ont le droit de ne pas être ad-hitlerumïsées dans une démocratie laïque authentique. Internet l'institue avec ses propres outils pour voter et plébisciter une dissidence intellectuelle, dont BHL, Jacques Attali et consorts seront à jamais incapables d'influencer dans leur sens. Tout comme le matraquage médiatique sur Macron virant à l'obscénité, sera source de beaucoup de désillusions pour les journalistes et leurs tutélaires. Le Brexit, les élections aux USA et les récents scrutins en Europe, ne semblent pas sonner l'alarme dans le crâne des chargés de communication.

Cher Jean-Luc,

Il me semble indispensable que tu tiennes compte de ces évolutions de société, mais aussi et plus encore de toute une dissidence qui s'est forgée grâce à la magie des réseaux sociaux et sur lesquels la majorité des partis politiques n'ont aucune prise.

Cette dissidence est extrêmement diversifiée dans ses opinions. Elle n'est pas exempte de ses propres passions et contradictions comme il sied malheureusement à toutes les communautés politiques et idéologiques. Il est même notable de relever que sa composante la plus conservatrice ne souhaite pas forcément voter pour le F.N (ce qui serait le choix le plus logique à priori) de même que sa partie plus libertaire ne tient pas plus à s'engager derrière toi. Ces gens s'entre-déchirent volontiers sur les fils de discussion sur des débats complexes, mais chose ahurissante pour un observateur politique habitué aux comportements sectaires et de replis propres aux partisans les plus zélés : ILS SE PARLENT.

Depuis des années, par différentes manœuvres, les puissants se sont assurés qu'en nous rangeant dans de petites boites et en désignant l'autre comme l'ennemi idéologique ne méritant que mépris - si ce n'est violence et censure - les choses resteraient stables et à l'avantage des grandes formations politiques dites "de pouvoir". Mais cette lente construction du sectarisme politique s'effrite de plus en plus fortement, au point que du plus libertaire au plus conservateur d'entre nous, les communs reviennent enfin nous fédérer. Et quels sont ils ?

1) D'abord, nous exigeons que la France redevienne un Etat pleinement souverain et indépendant, et à ce titre, jugeons avec beaucoup de sévérité cette tactique politicarde visant à parler d'un plan A et d'un plan B s'agissant de la sortie de l'U.E et l'euro. Peut-être souhaites-tu tendre la main à cette minorité de la pseudo-gauche se croyant universaliste lorsqu'elle soutient mordicus notre rattachement à l'Union européenne, mais ce n'est pourtant pas là que se trouve ton véritable réservoir de voix. Tu as nettement plus à gagner en garantissant au peuple que le seul plan s'agissant de l'U.E et l'euro, c'est la sortie unilatérale dès ta prise de fonction. Il faut en finir une bonne fois pour toutes avec les alliances inutiles et contre-productives.

2) Sur ce point, je sais que nous n'avons pas à te reprocher quoi que ce soit, nous souhaitons sortir de l'OTAN, réchauffer nos relations avec la Russie et nous rapprocher du mouvement des non alignés. J'ajouterai cependant que les plus éduqués d'entre nous exigent que nos relations avec l'Afrique soient complètement remises à plat. Notamment en mettant un terme au FRANC CFA qui ruine les pays qui y sont soumis, en jouant du micro-crédit et de projets infrastructurels majeurs pour ce continent, comme des routes, des chemins de fer, le projet Transaqua ou encore la grande muraille verte à planter sur toute la bande du Sahel, du Sénégal jusqu'à la corne de l'Afrique. C'est à ce prix que d'une part, nous donnerons enfin les moyens aux Africains de tendre vers leur émancipation économique et sociale, et par voie de conséquence, nous influerons très fortement sur les flux migratoires en amont du problème.

3) Nous voulons que l'oligarchie paye pour ses crimes ! Comment se montrer accommodant avec des gens qui au-delà des petites et grandes corruptions et malversations financières dont ils se sont rendus coupables, ont voté en faveur de la ratification du Traité de Lisbonne, du M.E.S, du T.S.C.G et pire encore, n'ont jamais empêché le gouvernement quant à pratiquer des ingérences militaires et diplomatiques graves dans des pays tiers (la Côte d'Ivoire, la Libye, l'Ukraine ou la Syrie) au point de s'adonner au financement du terrorisme et soutenir les pires composantes idéologiques que les Français rejettent déjà pour eux-mêmes (les nazis en Ukraine et les takfiristes au Moyen-Orient) ? Il y a de vrais crimes de haute trahison, de génocide, de financement du terrorisme, et ils ne peuvent rester impunis. Le crime d'indignité nationale doit être rétabli à minima pour ceux qui ont violé le référendum de 2005. Quant aux crimes de sang, même s'ils ont été commis de façon indirecte, ils n'en restent pas moins ignobles et relèvent bien du pénal. Sarkozy, Hollande, Fabius, Juppé, et toute une clique d'ordures véritables, méritent de croupir jusqu'à la fin de leur vie en prison, pour les centaines de milliers de morts à travers le monde que l'on peut leur imputer. Sans même évoquer le terrorisme en France qu'ils ont facilité par leur alignement diplomatique proprement dégueulasse avec la politique belliciste des faucons U.S. Les Français sont en colère, et ils exigent que Justice soit rendue. Ce sera de toute façon indispensable, car il ne sera pas possible de rétablir l'autorité de l'Etat au travers de ses institutions les plus régaliennes, sans faire valoir que la Justice est bien égale pour tous, et notre état de droit pleinement respecté.

Alors bien sûr, nous nous querellons toujours sur des points de détail de nos futures politiques publiques. Mais comment peut-on accepter que lorsque des Millions de Français sont d'accord sur des questions d'intérêt général essentielles, des divisions intestines soient entretenues en considérant qu'on ne peut associer ces gens dans un grand combat pour remettre sur les rails la France, sous prétexte que sur des sujets plus subalternes (oui, je hiérarchise les luttes), il reste des désaccords qui finalement pourraient se régler au sein du parlement ou au moyen du référendum ?

Il faut en finir avec cette culture politicarde de la division. L'unicité du peuple français ne peut souffrir d'un comportement anti-républicain du régime des partis. Les intérêts fondamentaux de la nation valent pour tous, non en fonction de notre considération sur des questions morales ou sur les libéralités à concéder ou non à certains secteurs de la société.

Voila pourquoi je t'engage à nous rassembler non sous ton seul nom, mais en nous permettant de composer un gouvernement correspondant finalement à toute la richesse culturelle et politique de cette dissidence, qui préférera pour la majorité d'entre elle s'abstenir, que voter pour une quelconque formation politique. Ouvre les débats, fais taire les ayatollahs qui voient le péril d'extrême droite ou du fascisme dans toutes les composantes de la société qui s'opposent au Système. Il faut leur dire à ces gens qui ne cessent de salir, invectiver et même agresser physiquement des citoyens qui se battent pour instituer la démocratie et restaurer une Justice dans ce pays, que désormais, leurs fatwas en intouchabilité seront superbement ignorées. Aimer le peuple suppose un grand niveau de tolérance pour les idées que chaque individu peut véhiculer, même lorsqu'elles nous heurtent ou représentent une opposition radicale à nos idéaux propres. La plupart des comportements et points de vue qui nous choquent dans notre humanisme, ne sont que les fruits pourris d'une déstabilisation de l'Etat sur plusieurs décennies, un recul clair et net de la démocratie, un déclin social sans cesse croissant, et le sentiment pour les Français de ne pas être écoutés. Comment ensuite condamner certains d'entre eux, lorsqu'ils basculent dans des thèses toujours plus dures, et parfois xénophobes, lorsqu'ils consentaient auparavant à plus d'ouverture d'esprit si tant est que les régulations attendues arrivent ? J'ai vu beaucoup de gens se radicaliser en quelques années sur les réseaux sociaux. Des gens qui au départ, ne cultivaient pas un discours de haine à l'encontre d'une quelconque communauté. C'est à ce titre que je juge ces problèmes comme superficiels. Ils se résolvent d'abord en cessant de condamner  ces gens ou leur interdire de débattre et en cessant d'amalgamer ce qu'ils dénoncent à des communautés plus larges. Typiquement, le fondamentalisme islamique n'est pas le propre de la majorité des musulmans. La majorité des homosexuels ne se reconnaissent absolument pas dans les hystéries du lobby LGBT et sont même las d'être associés aux excités promus par Pierre Bergé. Le CRIF n'est pas représentatif des Juifs de France, mais uniquement des intérêts de l'extrême droite israélienne. Il est nécessaire d'être ferme avec les groupuscules communautaristes en rappelant que l'Etat n'accorde aucun privilège à une quelconque communauté. La lutte contre les discriminations a bon dos lorsqu'il s'agit en vérité de caresser dans le sens du poil ces nouveaux identitaires.

Cher Jean-Luc,

Si j'évoque ces sujets sensibles, c'est que j'ai le privilège avec quelques autres "leaders d'opinion" sur les réseaux sociaux, de voir sur ma propre page, des gens aux antagonismes idéologiques très forts discuter ensemble. C'est ma plus grande fierté moi qui ait toujours détesté l'entre-soi des partis politiques. Tu dis vouloir sortir des schémas partisans en ayant lancé ta candidature à la présidentielle en dehors du Front de Gauche ou des primaires du PS. C'est un message entendu. Mais ton rôle est dans ce cas de créer le liant et la pacification des esprits. Je pense très fermement que ce liant découle à la foi d'une certaine radicalité sur les enjeux politiques et démocratiques évoqués plus haut, mais aussi une certaine retenue sur tous les sujets à même de nous diviser. Le référendum existe pour trancher ce qui relève des grands débats de société trouvant difficilement un consensus. Outre ces considérations politiques, se trouve le désir profond de rassemblement populaire (pour ne pas dire insurrectionnel) de cette dissidence ayant besoin d'exulter sa colère, sans forcément tomber dans les affres de la violence. Comme je l'ai indiqué sur mon livre que j'espère tu as bien reçu, il est possible de rénover le militantisme traditionnel par des initiatives fortes et essentielles telles que :

- Des rassemblements continuels devant les grands médias nationaux et le parlement pour faire apprécier correctement à notre oligarchie la puissance du peuple et sa sécession avec le climat de censure et de propagande.

- L'institution de tribunaux populaires sous forme théâtralisée pour juger les traîtres et faiseurs de guerre que la Justice laisse pour le moment tranquilles.

- A l'égal de ce qui s'organise pour les primaires du PS ou de l'UMP, mettre en place des consultations référendaires sur des grandes questions politiques dans toute la France. Se battre s'il le faut dans les tribunaux administratifs et auprès du Conseil Constitutionnel pour faire reconnaître les résultats, puisque rien n'interdit au peuple d'organiser lui-même ses référendums.

- Inonder de courrier les institutions et les irresponsables politiques pour leur imposer les assainissements exigibles, cela sans considérations des résultats électoraux du printemps prochain.

Je te renvoie à la lecture de mon essai pour trouver d'autres idées encore, en tant qu'activiste, je crois ne pas en avoir manquer à ce sujet.

La mobilisation sur des actions de résistance est un moyen beaucoup plus puissant que tous les discours politiques pour fédérer un peuple ne croyant plus en son système politique. Elle crée l'émulation et la fraternité nécessaire pour redonner la foi dans les cœurs.

Aussi, j'espère que tu entendras mon appel, aura la courtoisie d'au moins répondre à ma missive, même si c'est pour faire la critique de ce qui te semble bancal, car il ne s'agit ni de tes ambitions présidentielles, ni de consacrer une quelconque légitimité à une dissidence beaucoup trop pluraliste et atomisée, mais bien de réveiller le peuple tout entier.

Dans l'espoir que tu me répondras,

Bien cordialement,

Sylvain Baron

Vous pouvez commander le livre "Révolte" sur le site de l'association que je supervise où le réclamer en pdf par messagerie :


ou syldartha@gmail.com





lundi 12 décembre 2016

La fin des Etats ?

Depuis le début des années 70, un débat ne cesse d'être agité en occident, et particulièrement en Europe, sur le caractère nécessairement totalitaire et dépassé de l’État. Il est claironné que l'émancipation serait pour les êtres humains, de pouvoir s'affranchir des contraintes de l’État, voire que l’État n'existât plus du tout.

Les libéraux ne font là que reprendre un vieux thème de l'anarchie pour les adapter aux intérêts des puissances financières ou étatiques hostiles aux peuples en général. Cela, sous couvert d'une « philosophie » qui se distingue d'abord par les dérégulations économiques et les usurpations de souveraineté très concrètes qu'elle entraînent dans le cadre de différents traités internationaux ou supra-nationaux.

Il est vrai que si l'on en revient à la théorie de l'anarchie, l'Homme dispose en lui-même de la puissance nécessaire pour s'émanciper de tous ses conditionnements, qu'ils soient culturels, religieux, ou même étatiques. Mais ne pas vouloir s'extraire de l'ensemble de ces conditionnements impose t-il de facto le reniement de ses libertés individuelles et de son libre arbitre ? Sans une police et une justice pour garantir l'impunité et la neutralité de traitement face à la criminalité, n'y aurait il pas un arbitraire plus grand que si l’État disparaissait sur la base d'une proclamation de dissolution du pays, qu'auraient d'ailleurs tôt fait d'oublier les institutions ?

Y a t-il nécessairement une meilleure garantie des libertés individuelles là où l’État est absent ? Ne parle-t-on pas de « zones de non droit » là où les institutions sont les plus défaillantes à maintenir « l'autorité de l’État » ?

On nous répond aujourd'hui qu'à l'ère d'internet, la planète devient « un grand village » et que nous sommes désormais « citoyens du monde ». Pour autant, l'usage que l'on fait d'internet, notamment au travers de nos télécommunications, l'est en tout premier lieu dans notre langue maternelle. Ce qui en soit pose une frontière virtuelle à un sentiment sincère d'unité culturelle et politique avec l'internaute étranger. Les débats politiques, quand bien même ils peuvent s'élargir aux questions internationales, sont entretenus sur les réseaux sociaux à l’aune des intérêts nationaux des internautes concernés. Évidemment, l'on constate des Africains, des Français, des Belges, des Suisses et des Canadiens que la francophonie rapproche, participer à des discussions politiques sur de mêmes espaces virtuels. Mais bien que le lien entre les Wallons et les Français soit plus étroit qu'avec les autres communautés nationales mentionnées, de façon générale, ces discussions politiques restent minoritaires et liées à des thématiques relativement généralistes par rapport aux discussions politiques plus intenses qui rassemblent les internautes d'un même pays.

Internet ne va donc pas diluer la singularité entre les peuples, mais au contraire, confirmer celle-ci. Il est vrai cependant que l'essor technologique attenant, nous permet désormais de jouir d'une encyclopédie universelle sans cesse alimentée et corrigée, en plus d'une plate-forme à l'abri (relatif) du contrôle des gouvernements et des puissances financières, pour permettre à des millions de gens d'échanger leurs idées, indistinctement de leur origine nationale.

Cela n'est pas sans influence sur le progrès démocratique espéré. Mais les tenants du mondialisme en seront pour leurs frais, internet pas plus que le venin libéral, ne parvient à démolir le cœur des nations. Jay Rockfeller dans une commission sénatoriale aux USA en 2009, disait « regretter l'existence d'internet ». Hillary Clinton accusait de son côté le site Wikileaks d'avoir soutenu son rival Donald Trump lors de la campagne électorale américaine, là où le site de Julian Assange, se bornait à faire œuvre de transparence sur le contenu des mails de l'ex Secrétaire d’État, rendus publics par la Justice américaine. Au niveau européen, la chaîne de télévision russe « Russia Today » diffusée essentiellement au-travers des canaux numériques, s'est vue censurée par le gouvernement britannique, et violemment attaquée au sein du parlement européen du fait de la contre-propagande qu'elle oppose sur les questions économiques et géopolitiques en Europe. En Chine, il est littéralement impossible d'accéder à certains sites internet pouvant faciliter l'organisation de débats politiques populaires et libres. De façon générale, les puissants, qu'ils soient financiers, politiques ou mêmes médiatiques, font montre de leur défiance face à la puissance de l'outil démocratique et alter-médiatique qu'est internet. Ni les mondialistes, ni les nationalistes les plus rigides n'apprécient le contre-pouvoir populaire que les réseaux sociaux opposent à leur propagande.

Les États ne disparaissent pas autrement que par l’absorption au sein d'un autre État plus puissant et victorieux dans une guerre d'invasion, ou par la partition dans le cadre d'une guerre civile. Et cela n'est le propre que des États faibles. Ceux qui sont structurellement rendus indestructibles sont ceux qui jouissent d'une Armée moderne et fortement dissuasive à toute agression étrangère, ce qui par extension, les protège de tout arbitraire politique extérieur. Un pays comme la France peut faire sa révolution sans craindre les menaces étrangères ou de différentes puissances financières, car l'armée issue du peuple, ne peut se retourner contre les siens, cela sous mandat étranger ou privé. Un État puissant l'est indépendamment des périodes de relative faiblesse qu'il peut démontrer à l'international, car elles ne sont que la traduction d'une volonté politique limitée d'un gouvernement, alors que les capacités d'influence diplomatiques et militaires du pays peuvent s'affranchir d'un grand nombre d'obstacles que la majorité des États dans le monde ne peuvent pas mépriser. Ce n'est pas la même chose de dire ses quatre vérités aux États-Unis d'Amérique quand on est le chef d’État de la France, plutôt que celui du Pérou. La volonté politique d'un dirigeant péruvien peut surpasser de très loin la volonté politique d'un dirigeant français, mais le rapport de force dans les discussions diplomatiques reste inégal à l'aube de l'an 2017.

Cette inégalité peut reposer à la foi sur des mesures économiques hostiles à un pays en voie de développement par certaines puissances, mais elle peut découler uniquement de circonstances historiques ou géographiques clairement défavorables.

D'abord, admettons que les civilisations n'ont pas toutes été en quête de développement technologique aussi intense qu'en Europe et en Chine au cours des millénaires passés. L'Amérique précolombienne, l'Afrique, une grande partie du Moyen-Orient et l'Océanie, ont vu leurs populations souches rester dans un système politique essentiellement tribal, à l'écart des grandes routes commerciales entre l'Europe et l'Asie. Les guerres et le commerce ont en effet été des puissants moteurs du progrès technologique. La guerre exigeait d'innover dans l'armement, le commerce permettait les échanges d'idées. Si les Chinois inventaient les feux d'artifices avec la poudre à canon, c'est sur la route de la soie que la recette et les applications militaires de la technologie se discutent. Et c'est encore plus tard que l'on appréciera l'intérêt civil de la dynamite ou de la propulsion aéronautique de cette petite chimie. Les nations amérindiennes de même que les Africains, ne répugnaient pourtant ni à la guerre, ni au commerce, mais leur spiritualité, leur philosophie, en un mot, leur Culture, ne hissait que très exceptionnellement les Hommes à tendre vers le dépassement et l'innovation. La Nature pourvoyait aux besoins essentiels des communautés, et aucune puissance étrangère à la foi hostile et supérieure technologiquement, n'obligeait ces gens à se dépasser pour survivre. 

L’assujettissement à des civilisations plus avancées ou du moins plus puissantes technologiquement, était le prix à payer pour cette nonchalance multiséculaire à ne pas innover en parallèle de l'Europe et de l'Orient. Nous pourrions condamner nos aïeux d'avoir manqué à leur devoir de respect de l'auto-détermination des peuples aux époques cruelles où ils soumettaient des indigènes d'autres nations, mais cela serait faire fi que le concept n'existait pas il y a plus d'un siècle, et que l'on est responsable que de ses propres inactions durant son temps de vie, et non face à l'Histoire passée.

De facto, les États les moins puissants partent aujourd'hui avec un handicap économique, militaire et diplomatique qu'il convient de rattraper éternellement. Car les États les plus puissants, même sous la volonté politique des pires traîtres pouvant les gouverner, ne peuvent s'affaiblir à la mesure des nations les plus en retard. C'est donc pour l'internationaliste convaincu un exercice intellectuel très périlleux que d'imaginer l'harmonisation des normes et le ré-équilibrage entre les nations, car même avec le soutien des puissances les plus respectables, l'inégalité technologique et économique risquera sans nul doute de perdurer encore longtemps. Il y a pourtant matière à réduire ces inégalités comme nous le verrons, à échelle d'une vie d'Homme. 

Toujours est-il que l'on a plus à craindre (ou s’enthousiasmer) de la naissance de nouveaux États dans les années futures, du fait des réalités géopolitiques d'aujourd'hui. La Fédération de Russie bien que puissante, n'est pas unifiée culturellement d'une frontière à l'autre de son territoire. Cela peut générer des velléités indépendantistes qui, sur le long terme, peuvent avoir raison des contours géographiques actuels de ce pays.

Les aspirations à l'auto-détermination d'autres peuples comme les Kurdes ou les Palestiniens, ne manqueront pas dans le futur de se rappeler aux disputes internationales et trouver leur paroxysme sur le seul fait démographique. Les populations arabes et kurdes, chacune sur les territoires politiques revendiqués, connaissent une croissance démographique suffisante pour faire obstacle à l'influence politique de leurs opposants. La guerre des ventres est aussi silencieuse qu'implacable pour les peuples cherchant à obtenir la liberté de se constituer en nations. 

Certains différents territoriaux continuent de courir en Asie, notamment entre la Chine et Taïwan. Bien que cette île fut longtemps sous souveraineté chinoise et que l'une et l'autre partie revendiquent la souveraineté politique sur la Chine toute entière, il n'est pas improbable que dans le futur, des dirigeants de la Chine continentale finissent par considérer qu'il y ait plus d'intérêt à reconnaître l'auto-détermination de Taïwan que maintenir sa volonté de réintégration. Il est à noter qu'à l'inverse, une transition politique majeure puisse permettre aux deux Corée de se réunifier.

Mais l'essentiel de la réorganisation des espaces politiques dans le monde, aura certainement cours en Afrique. Les anciens colons ayant imposé leurs propres frontières au mépris des réalités ethniques et linguistiques des populations d'hier, ont laissé après le terreau à toutes les rivalités fratricides au sein du continent noir. Un grand nombre d’États africains malgré ce handicap, ont déjà trouvé les ressorts pour devenir de véritables communautés politiques émergentes. Mais d'autres, comme la République Démocratique du Congo, le Mali ou encore le Tchad, la Centrafrique, le Niger et le Nigeria où des irrédentismes Haoussa, Peuls et Malinkés subsistent tant bien que mal dans ces pays composites, souffriront peut-être de leur éclatement futur en un ensemble de nouveaux États. A l'inverse, le Sénégal aura forcément la tentation logique de reprendre le contrôle du fleuve Gambie par l'annexion de l’État attenant. Les rivalités franco-anglaises sur cette partie de l'Afrique, heurtent profondément la gestion de la ressource en eau d'une grande partie du Sahel. Mais le Sénégal est un pays arrivant à maturité politique, et capable de constituer son indépendance économique pleine et entière sur la seule bonne volonté de ses dirigeants du moment. Disposer du plein accès à la Gambie tant pour son commerce que pour assurer l'alimentation en eau des champs et des villes éloignées, est un enjeu d’État pour le Sénégal. Et ce pays aspire à devenir une puissance reconnue en Afrique. Il est aussi à noter que l'ex-Abyssinie aura peut-être vocation historique à se réunifier. L’Éthiopie dont on aurait tort d'ignorer l'ancienneté politique, a perdu son accès à la mer avec l'indépendance de l’Érythrée et de Djibouti. Les conflits entre ces derniers pays sont récurrents depuis des années, et portent jusqu'en Somalie. 

Les puissances occidentales entretiennent le macabre statut-quo en laissant des populations se déchirer, plutôt que de trouver l'appui nécessaire pour résoudre leurs conflits largement dus aux effets délétères du colonialisme arabo-européen. 

Que ce soit dans le déchirement par le sang, ou par le jeu démocratique, les frontières seront appelées à demeurer mouvantes dans les années à venir dans certaines contrées. Le Soudan s'est partitionné récemment, la Crimée est retournée à sa mère Russie, la Serbie n'a pas fini de digérer la guerre de l'OTAN l'ayant dépecé de son territoire et de son accès à la Mer Adriatique.

De nombreux conflits ensanglantent déjà le monde ou couvent encore avant leur explosion inéluctable. Nous avons la possibilité de les désamorcer. Cela suppose tout d'abord d'avoir un regard objectif et un tant soit peu historique de la construction des États. Mais aussi une réflexion humaniste plus générale, qui vise à promouvoir la paix non par la remise en cause des États, mais bien au contraire par leur promotion la plus honorable. C'est à ce niveau que les institutions internationales doivent pouvoir jouer leur rôle à plein. Un État naît d'une volonté d'indépendance et d'une reconnaissance internationale. Ignorer délibérément cette réalité fait le lit de guerres civiles inutiles et évitables...