dimanche 30 octobre 2016

A nos actes manqués !

A combien de reprises sommes nous passés à deux doigts de la Révolution ?

Sur moins de dix années, je pourrais au moins citer quatre occasions, et une cinquième en cours. 


Le mouvement des indignés ; le mouvement du 14 Juillet et Nuit Debout, portaient les germes et les semeurs d'une révolution, mais personne n'avait songé à soigner la plantation pour qu'elle porte ses fruits. Depuis, nous attendons encore que "quelque chose se passe".
Et pourtant, quelque chose se passe bel et bien.

Qu'est-ce qu'une révolution ? Certains commenceront d'abord à méditer ce concept avec une image d’Épinal dans la tête : des larmes et du sang, la guerre civile, et souvent de grandes désillusions au bout pour de maigres avancées (quand ce ne sont pas des reculs). Pourtant, les troubles dont il est question, ne sont pas le propre de toutes les révolutions, ni une fin en soi. La révolution des Œillets est à ce titre l'une des révolutions les plus pacifiques, courtes et radicales qui nous soit donnée d'observer. Pour quelle raison ? Elle fut menée par des militaires dissidents. Le putsch et le pronunciamiento sont deux des trois formes possibles de la révolution. Elles ne préjugent pas des dispositions d'esprit (au profit ou au détriment du peuple) de ceux qui sont à l'oeuvre. Evo Moralès a d'abord tenté de prendre le pouvoir par la force, avant d'être finalement soutenu et élu par le peuple. Et il sera difficile de nier que l'homme était réellement dévolu à sa patrie. De Gaulle est revenu au pouvoir par la pression militaire, grâce au coup de force des Généraux Salan et Massu lors du coup d'Etat du 13 Mai 1958. Qui a regretté que des militaires (mais aussi des policiers) aient accéléré la chute du gouvernement Pflimlin, si ce n'est ceux qui œuvraient contre l'intérêt de la France ?

La révolution doit être dépassionnée pour qu'on la médite avec la hauteur de vue nécessaire. La majorité des troubles politiques sont le fait de citoyens qui se mobilisent contre leur représentation politique. Les gouvernements usent alors des forces de police, voire de l'armée pour réprimer la contestation. Si comme en Tunisie, l'armée fait sécession et s'assure de restaurer l'ordre public en prenant partie pour le peuple, alors les forces de police peuvent à leur tour désobéir aux ordres politiques. Déjà la révolution se termine, pour ce qui concerne son moment le plus important.

Si les exemples d'épisodes révolutionnaires ayant débuté par un putsch militaire foisonnent, les exemples où les forces de police sont à l'initiative d'une contestation populaire sont rares, voire inexistants. La police est un corps qui contrairement à l'armée, n'est pas indépendant du gouvernement. Elle est totalement sous son autorité. Il y a donc de quoi motiver un regard qui soit dépassionné pour analyser correctement la perche tendue :

Tout d'abord, constatons que le mouvement fait suite à un coup de colère. C'est bien l'attaque subie par certains de leurs collègues à Viry Châtillon qui a déclenché ce mouvement spontané de la part des policiers français. Les revendications, puisqu'il en faut, sont donc tout à fait subalternes face à un moment d'émotion intense où les contraintes qui pèsent sur les policiers apparaissent et sont tour à tour dénoncées (haine anti-flics ; utilisation politique de la police ; faiblesse de la justice ; zones de non-droit ; statut de la légitime défense pour les policiers ; matériel vieillissant voire manquant ; commissariats vétustes, etc.). Ce sont bien les politiques publiques de sécurité publique dans leur ensemble qui, à l'apothéose d'une tentative de meurtre barbare, révèlent leur inanité. Et ces politiques sont bien placées sous la responsabilité de mandataires et hauts responsables administratifs de la police nationale. Et c'est là qu'une des revendications des policiers passe largement inaperçue alors qu'elle devrait de très loin, sonner l'alarme dans les milieux militants : les policiers exigent la tête de Jean-Marc Falcone (directeur de la police nationale) et Bernard Cazeneuve (Ministre de l'Intérieur).

Si ce n'était pas le cas, je serai le premier à me détourner de leurs revendications en les considérant comme uniquement corporatives. Mais dès lors qu'un Ministre voit sa légitimité et son autorité remise en cause par un corps régalien de la nation, c'est l'ensemble du gouvernement ainsi que le chef d'Etat qui voit son autorité mise en péril. Qui nomme le Ministre de l'Intérieur à son mandat, si ce n'est le Premier Ministre en concertation avec le chef de l'Etat ?

François Hollande est donc face à un épineux problème : s'il cède à de telles revendications, il démontrera sa faiblesse face aux policiers, ce qui pourrait lui nuire dans les jours ou mois suivants. S'il fait preuve de sévérité, il risque de se retrouver avec une défiance toujours croissante de la police. Etant donné qu'il est impossible, sauf en faisant usage de l'armée, de réprimer une manifestation de femmes et hommes en armes, la seule solution pour le félon qui nous gouverne, est de jouer la carte du pourrissement. Cela en recevant les syndicats (pourtant contestés par les policiers) ; en amadouant l'institution via quelques promesses budgétaires qui étrangement semblaient impossibles du fait de l'austérité imposée quelques mois auparavant ; et en comptant sur le professionnalisme des officiers autant que la propagande anti-flic visant à éloigner le peuple de leurs rassemblements, pour que ces derniers reprennent le travail, sans avoir rien obtenu, ni dans leurs revendications, ni dans le soutien populaire.

De leurs côtés, les réseaux militants ne peuvent s'empêcher de sombrer à nouveau dans leur pathos collectif tant chéri et sans cesse alimenté, pour éviter tout rapprochement utile avec les policiers. Ces derniers sont évidemment des "suppôts du capitalisme" ; "la milice du gouvernement" ; "des cowboys tabassant le peuple" dès que l'occasion se présente. On oublie d'ailleurs que ce ne sont pas des CRS qui manifestent pour la majorité des policiers présents. Ces premiers préfèrent se porter pâle lorsqu'ils veulent faire valoir leur ras le bol. Ce sont donc les policiers que nous croisons dans notre quotidien, et qui sont en charge de garantir notre sécurité sur la voie publique, mais quand on est militant, aucun flic ne peut être excusé d'avoir choisi un tel métier. Qu'importe les raisons, qu'importe l'état d'esprit du bonhomme. Quand on est militant, on ne cesse de glorifier son bon coeur et prêcher l'amour entre les hommes, mais pas tous : certaines catégories d'êtres humains restent dans le clan des salauds...

Annihilée la réalité quotidienne de l’interaction de la population avec la police qui ne se termine que très rarement par une bavure ou un comportement excessif. Oubliées les discussions échangées dans des manifs entre quelques policiers plus cools que les autres et des manifestants. Même notre droit à la sûreté, nous sommes prêts à l'abandonner pour peu que l'on cesse de nous montrer ces policiers qu'on ne saurait voir. La police, c'est définitivement l'ennemie.

Et les uns de rappeler que l'on a pas vu les policiers manifester durant l'opposition à la loi travail. Effectivement, ceux qui ont manifesté en tant que citoyens, n'ont peut-être pas osé révélé publiquement leur métier quand "tout le monde déteste la police" (jusqu'à même la caillasser). Les autres rappellent telle bavure, telle blessure reçue en manif. Oui, et a-t-on ne serait-ce que quelques minutes évoqué la responsabilité des organisateurs d'un cortège ou un rassemblement, quant aux infiltrations - souhaitées - des casseurs en tous genre ? Quant à dire qu'il y a des bavures, qui peut le nier ? Mais est-ce que les manquements d'une stricte minorité de personnes, concernent plus de 140.000 fonctionnaires, ou sont bien ne rendent responsables que les quelques brebis galeuses que l'on peut trouver dans tous les corps sociaux de la nation ? Ceux qui n'ont pas osé sortir leur arme face à un danger, et en sont morts ou rendus handicapés à vie, qu'en dit-on ? Merci de n'avoir rien tenté pour sauver votre vie et protéger celle d'un criminel ? Est-ce qu'au moins ça équilibre la difficile question humaine qui rend la mission de policier, particulièrement complexe à gérer au quotidien, pour éviter à la foi bavure et mort pour la France ? Non, le militant a la haine sélective, et préférera se concentrer sur la faute d'un ou quelques policiers sur une intervention parmi des dizaines de milliers chaque année, et n'aura même pas un début de compassion ou d'interrogation, face à un policier qui meurt de ne pas avoir utilisé son arme lorsque le péril était réel et imminent.

Certes, nous avons affaire à un corps institutionnel particulier, où l'exigence en terme de probité, de gestion de soi, et de mesure dans l'usage de la force, sont des critères de recrutement cruciaux pour minorer autant que faire se peut les risques de bavure. Mais qui décide du recrutement ? Qui ordonne à la maréchaussée de réprimer des manifestations ? Qui décide des moyens et des missions de la police nationale ?

On en revient donc aux responsables politiques qui ont failli à ces nécessités, et cela avec une dégradation substantielle constatée sous l'ère Hollande. 

Les policiers aujourd'hui, je le répète pour que cela soit clair dans les esprits, manifestent en rejetant tous rattrapages syndicaux et partisans à leur colère. Ils invitent les citoyens à les rejoindre, et mieux encore, sont ouverts à discuter sur tous les sujets. Que ce soit ceux qui sont liés à leurs missions de service publique ou encore des revendications d'intérêt général beaucoup plus larges. En outre, qui peut raisonnablement s'inquiéter de prendre un coup de matraque dans un cortège de policiers ? J'ai expliqué plus haut que François Hollande se trouve dans une position délicate, l'empêchant de tenter toute mesure répressive des manifestations d'hommes en armes. De fait, ces manifestations resteront pacifiques, ordonnées et sans casseurs pour les troller. Si l'on s'en remet à la raison, ça n'est pas au moment où les policiers appellent les citoyens à les rejoindre, qu'ils vont se montrer hostiles et fermés à la discussion. Bien au contraire, il y a une envie sincère de démystifier leur travail, leur rôle, et de parler de tout ce qui pourrait rendre la police respectée de la nation. Ce qui signifie méditer à des réformes d'ampleur regardant l'ensemble du peuple, et non à des mesurettes que proposera leur ministre contesté dans l'espoir de calmer les policiers au-moins jusqu'aux présidentielles.

Un ministre est sur la sellette. Si des milliers de gens en compagnie des policiers, soutiennent la démission de Bernard Cazeneuve et s'assurent de motiver les fonctionnaires qui sont dans la rue à continuer d'ouvrir un boulevard à la contestation, c'est bien François Hollande qui tremblera en premier lieu. Il n'y aura pas long à faire en cas de forte mobilisation populaire, pour que son nom revienne dans les revendications qui se seront élargies, quant à sa démission. Encore faut-il rejoindre les policiers, ne pas alimenter des mythes sur des revendications visant à américaniser l'institution (ça n'est ni le souhait, ni la culture de la police française), et leur parler de nos revendications d'intérêt général (sortie de l'U.E ; l'euro et l'OTAN + Constituante).

Dans les commissariats, la conscience que les revendications corporatives resteront insuffisantes pour mobiliser les Français est bien présente dans les esprits. Il n'y a qu'un pas à faire pour que les policiers, rassurés par notre soutien, à leur tour ouvrent un peu plus leur attention au cri du peuple tout entier. Pour la bonne et simple raison que la police fait partie du peuple, et qu'il ne reste plus grand monde aujourd'hui en France, qu'importe les activités de chacun, pour soutenir encore l'oligarchie au pouvoir. Et plus que quiconque, les policiers savent comment leur institution est détournée à des fins iniques.

J'appelle donc les policiers à ne rien lâcher, organiser un peu mieux leurs rassemblements (notamment le week-end à des horaires permettant au plus grand nombre de vous rejoindre) et à continuer d'exiger la tête de leur ministre de tutelle et de leur haute hiérarchie administrative.

De la même façon, et tout en envisageant déjà que nous nous orientons vers un énième acte manqué, j'appelle les "alternatifs", "dissidents", "contestataires politiques", et tout ce que la France rassemble de gens éveillés sur les réalités institutionnelles, géopolitiques et économiques qui détruisent notre pays, à cesser pour une fois de n'user que de la passion, de l'esprit de revanche et de haine larvée, lorsque l'analyse froide et objective sur les institutions, devrait tous nous conduire à rejoindre les policiers dans la rue. S'il n'y aura aucun risque de violences policières à envisager, en revanche, notre présence fera peser un risque très puissant de révolution qui pourrait défaire l'ensemble de notre oligarchie à terme.

La haine, les amalgames et la division, ne sont pas de nature à changer les choses. S'ouvrir aux autres en étant prêt à heurter ses idées préconçues, est la seule manière d'adopter un regard froid et juste sur les hommes. Combien de gens se disant "éveillés" dans notre pays ont aussi la tête froide ?


J'espère assez pour éviter un cinquième acte manqué...




mercredi 12 octobre 2016

Juppé et Sarkozy, coupables de crimes de génocide, toujours libres...

Le 14 Novembre 2010, Nicolas Sarkozy via son croque-mort François Fillon, nomme Alain Juppé à la tête du Ministère de la Défense. A peine plus de trois mois plus tard, ce dernier est propulsé Ministre des Affaires étrangères, nous sommes le 27 février 2011.

Quelques jours plus tôt, le 13 février 2011, Mouammar Kadhafi prononce un discours appelant tous les réfugiés palestiniens à se masser aux frontières d'Israël, et va jusqu'à dire que « tous les pays arabes entretenant des relations avec Israël sont des régimes lâches ». Trois jours avant que débute le conflit libyen, dans un pays où la plupart des gens sont arabes et de confession musulmane, Kadhafi fournissait donc un discours qui avait de quoi fédérer son peuple. D'ailleurs, pas de manifestations ce jour-là, tout semblait tranquille malgré le « printemps arabe » qui sévissait en Tunisie et en Égypte. On peut se douter en revanche qu'Israël et ses alliés arabes (Qatar, Égypte et Arabie Saoudite) ne vont que très modérément apprécier le discours de l'ancien Chef d’État de la Libye.

Deux jours plus tard, des appels sur facebook fleurissent pour contester le régime, et une « émeute » a lieu dans la ville de Benghazi. Le site internet « Europe-Israël » semble à cette date furieusement remonté contre Kadhafi. Comme n'importe quel chef d’État dans un pays Souverain, le dirigeant libyen fait en sorte de restaurer le calme à Benghazi. Ce que l'on ne saura jamais, c'est la réalité de cette émeute. Combien de personnes étaient sur place ? Qui étaient ces gens ? Étaient-ils armés ?

Début mars, le ressortissant Israélien Bernard Henri Levy nous refait le même coup qu'en ex-Yougoslavie en appelant à une intervention armée « du monde libre » contre la Libye, afin de « sauver » les gentils insurgés de Benghazi. Le 19 mars 2011, soit à peine un mois après le discours de Kadhafi, l'opération Harmattan commence sous l'égide du Général Benoît Puga, aujourd'hui chef d’état-major particulier de François Hollande. C'est ce même général qui est responsable du renversement du président Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire.

Je vous propose de revenir sur les derniers jours ayant précédé la guerre de Libye, pour relever ici un crime qui pèse (plus ou moins) sur la conscience d'Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy, mais beaucoup moins dans la conscience des journalistes énamourés de notre petite oligarchie de criminels en col blanc.

Tout d'abord, reprenons la fin du discours de Nicolas Sarkozy le 19 Mars 2011, "légitimant" l'usage des forces militaires françaises contre un pays souverain et ne nous ayant jamais agressé :

"En Libye, une population civile pacifique qui ne réclame rien d'autre que le droit de choisir elle-même son destin se trouve en danger de mort. Nous avons le devoir de répondre à son appel angoissé. L'avenir de la Libye appartient aux Libyens. Nous ne voulons pas décider à leur place. Le combat qu'ils mènent pour leur liberté est le leur. Si nous intervenons aux côtés des pays arabes, ce n'est pas au nom d'une finalité que nous chercherions à imposer au peuple libyen, mais au nom de la conscience universelle qui ne peut tolérer de tels crimes. 

Aujourd'hui, nous intervenons en Libye sur mandat du Conseil de sécurité de l'ONU avec nos partenaires, et notamment nos partenaires arabes. Nous le faisons pour protéger la population civile de la folie meurtrière d'un régime qui en assassinant son propre peuple a perdu toute légitimité. Nous intervenons pour permettre au peuple libyen de choisir lui-même son destin. Il ne saurait être privé de ses droits par la violence et par la terreur".

Je vous épargne toute critique sur les violons sortis durant ce discours visant à faire passer une très grosse pilule aux Français (qui d'ailleurs se foutent complètement que leurs impôts soient utilisés pour tuer des milliers de gens à l'étranger) ; je me contente de relever qu'à deux reprises, Nicolas Sarkozy évoque des partenaires arabes pour faire la guerre à la Libye (pudiquement appelée "intervention"). Ces partenaires, Alain Juppé va les évoquer dans un discours larmoyant à l'ONU le 17 Mars 2011, en citant la résolution votée par le Conseil de la Ligue Arabe réunie au Caire le 11 Mars 2011. Celle-ci propose une zone d'exclusion aérienne sur le territoire Libyen. Tous les acteurs de la Ligue Arabe ne sont pourtant pas d'accord sur ce texte comme en témoigne le site internet de RFI :

"Il y a ceux qui soutiennent la résolution sans réserve : les pays du Golfe et les voisins de la Libye: Egypte et Tunisie.

Mais il y a aussi ceux qui ont exprimé des réserves comme la Syrie. Damas estime que l’imposition d’une zone d’exclusion pourrait paver la voie à une ingérence militaire étrangère et, à terme, l’éclatement de la Libye.

La Ligue a contourné ces réserves en ajoutant une phrase rejetant une éventuelle ingérence militaire étrangère. Un flou artistique quand on sait que l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne nécessite l’usage de la force comme cela avait été le cas en Irak. Et c’est justement l’exemple irakien qui revient le plus souvent sur les blogs arabes.

Beaucoup d’internautes estiment que la zone d’exclusion aérienne pour défendre les chiites et les Kurdes contre Saddam Hussein, était le premier pas qui avait conduit à l’invasion de l’Irak. Il y a enfin ceux qui aimeraient bien que le principe d’exclusion aérienne pour défendre la population soit étendu à d’autres régions, comme par exemple le Darfour soudanais".

Si l'on peut admettre que l'Egypte et la Tunisie, pays frontaliers de la Libye, étaient largement en situation de panique et soumis à toutes les pressions occidentales à cette époque pour soutenir une telle résolution, j'aimerais que l'on m'explique les positions du Qatar et de l'Arabie Saoudite, alors que ces pays sont situés à plus de 4000 km de distance de la capitale Libyenne ?

Quelle menace militaire pesait sur leurs propres pays, au point de motiver une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye ? Quelle légitimité ces régimes théocratiques violant régulièrement les droits de l'homme, avaient sur la très laïque et sociale Libye pour appeler à une intervention militaire sur place ?

Ce qui nous amène donc à une dernière question : En quoi les partenaires Qataris et Saoudiens étaient pertinents à citer pour Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, afin de motiver une alliance militaire avec ces pays contre la Libye ?

Rappelons ici les termes utilisés par Alain Juppé le 17 Mars 2011 à l'ONU :

C’est pourquoi la France a voulu contribuer de toutes ses forces au sursaut de la communauté internationale en travaillant, avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis d’Amérique et d’autres, à l’élaboration du projet de résolution qui nous est soumis.



Avec cette résolution, nous nous donnons les moyens de protéger les populations civiles libyennes :

— D’abord en mettant en place une zone d’exclusion aérienne et en autorisant les membres de la Ligue arabe et les Etats membres qui le souhaitent à prendre les mesures nécessaires pour sa mise en œuvre.

— Ensuite en autorisant ces mêmes Etats à prendre, outre la zone d’exclusion aérienne, toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les territoires, y compris Benghazi, qui sont sous la menace d’une attaque des forces du régime de Kadhafi.

— Enfin, en renforçant les sanctions adoptées à l’encontre de ce régime, qu’il s’agisse de la mise en œuvre de l’embargo sur les armes, du gel des avoirs des autorités de Tripoli ou de l’interdiction de vol des compagnies aériennes libyennes.
Si les intérêts du Qatar et de l'Arabie Saoudite à semer le chaos en Libye restent troubles (on évoque le plus souvent des contrats de reconstruction et l'influence religieuse et diplomatique de ces pays à faire progresser sur le nord de l'Afrique) ; les intérêts défendus par l'exécutif français, ne souffrent pour leur part d'aucune ambiguïté. C'est d'ailleurs Hillary Clinton, qui, à l'occasion d'échanges par courriel avec des diplomates américains, a permis de révéler le pot au roses. Ainsi, dans des courriels récupérés et publiés par le site Wikileaks, on apprend :
Qu'un mémo liste cinq facteurs motivant l’engagement du président Nicolas Sarkozy à mener cette guerre : « un désir d’obtenir une plus grande partie du pétrole libyen ; accroître l’influence française en Afrique du Nord ; améliorer sa situation politique intérieure en France ; offrir à l’armée française une chance de rétablir sa position dans le monde ; et répondre à l’inquiétude de ses conseillers concernant les plans à long terme de Kadhafi de supplanter la France comme puissance dominante en Afrique de l’ouest — le gouvernement voit notamment d'un mauvais œil le projet de Kadhafi d'introduire une nouvelle devise panafricaine pour supplanter le Franc CFA, basée sur le dinar or libyen et appuyée par des réserves secrètes d'or d'une valeur de 7 milliards de dollars.

Un autre mémo, daté du 5 mai, évoque des vols humanitaires organisés mi-avril 2011, qui auraient compté parmi les passagers des cadres de Total, de Vinci, et de l'EADS. Bernard-Henri Lévy, intermédiaire entre le président français et les insurgés, aurait fait savoir aux responsables du CNT qu’ils «avaient une dette envers la France au vu de son soutien précoce et que Sarkozy avait besoin de quelque chose de tangible à présenter aux leaders politiques et économiques français. » Selon une note de septembre 2011, Nicolas Sarkozy aurait exhorté les Libyens à réserver 35% de leur industrie pétrolière à des entreprises françaises, en particulier Total. Alors que la France représentait 9,7 % des exportations libyennes en 2012, elle devient en 2014 le deuxième client de la Libye, avec 13,1 % des exportations.


(Source : wikipédia)

L'ensemble de ces mémorandums sont des sources autres que des commentaires journalistiques. Ce sont les allégations de l'ancienne secrétaire d'état américaine, qui ne pouvait motiver ses propos sur des thèses fantaisistes ou une déficience de ses services de renseignement.

A-t-on entendu à l'époque Nicolas Sarkozy et Alain Juppé motiver la guerre en Libye pour :

- Piller du pétrole ?
- Faire monter la cote de popularité de Sarkozy dans les sondages ?
- Empêcher Kadhafi de lancer le Dinar-Or pour concurrencer le FRANC CFA ?
- Contribuer au "rayonnement" de notre armée en Afrique ?

Non, je vous rappelle les mots-clés des discours de Sarkozy et Juppé peu avant le déclenchement des hostilités : démocratie ; protection des populations ; conscience universelle ; etc, etc...

Les chiffres diffèrent sur le nombre de morts du fait de cette guerre. Certains parlent de plusieurs dizaines de milliers de morts, quand d'autres évoquent plus de 200.000 tués. Nous pouvons rajouter à cette hécatombe, plus d'un million de réfugiés, sans même parler des exactions des milices soutenues par les pays du Golfe sur les populations civiles.

Il n'est pas possible de considérer que les services de renseignement français, autant que les acteurs politiques engagés dans ce processus militaire, aient pu ignorer ce qui découlerait du renversement du régime de Mouammar Kadhafi. La ville de Benghazi était réputée être un foyer de la contestation islamiste de l'appareil d'Etat Libyen, ce que les pays du Golfe savaient parfaitement. A tel point, que dans un article datant du 28 décembre 2011, le site internet Slate, révèle le jeu trouble du Qatar avec les combattants islamistes de la région :

"Les conseillers militaires qataris ont largement privilégié les groupes islamistes, comme ceux d’Abdelhakim Belhaj, d’Ismael Salabi, la Katiba des Martyrs d’Abu Salim, dirigée par Abu Sofiane Qumu, un ancien de Guantanamo ou encore la Katiba Obaida Ibn Jarrah, soupçonné d’avoir assassiné, le 27 juillet 2011, le général Abdul Younes mis en place par Moustafa Abdel Jalil pour tenter d’unifier les Katibas sous sa houlette"

"Les services de renseignement extérieur directement rattachés au palais de l'émir du Qatar, ont participé à la désignation des unités qui ont reçu les missiles anti-chars livrés par la France. Au total neuf cargaisons ont été parachutées. Une partie des armes reçues par les groupes choisis par les Qataris ont ensuite disparu, mettant à mal le désarmement des milices entamé par le CNT, à ajouter aux «10 000 missiles sol-air» ayant été perdus en Libye, selon le Spiegel, citant les propos de l'amiral Giampaolo Di Paola,président du Comité militaire qui regroupe les chefs d'état-major des pays de l'Otan".

Voila donc un pays, autrefois stable, sans dette souveraine, ayant un système social ayant de quoi faire pâlir notre propre modèle de société, jouissant d'une constitution permettant au peuple de légiférer lui-même et incluant un régime de laïcité et d'égalité juridique entre les hommes et les femmes, que voila soumis aujourd'hui à la barbarie et à la charia.

Ce qui a été commis ici s'appelle un crime d'ingérence dans les affaires intérieures d'un pays. Le fumeux "droit ou devoir d'ingérence" n'existe pas dans le droit international. Ce sont des crimes, rien de moins. Mais du point de vue du droit français, cela va plus loin.

Commençons par rappeler que le préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946, dans son article 14, dispose que :

"La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple".

Y'a t'il un terme qui aurait été mal compris par Messieurs Sarkozy, Juppé, mais aussi Gérard Longuet (alors Ministre de la Défense) dans notre Constitution ?

Peut-être dans ce cas, que le droit international pourra être d'un certain secours intellectuel à nos mafieux se pensant intouchables. Par exemple, il était possible de consulter la Charte des Nations-Unies et de constater dans son article 2 que :

"Les membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies"

Un tel article de droit international ne souffre pas d'ambiguïté : la guerre est par définition illégale. Seule la légitime défense l'autorise.

En outre, le principe d'autodétermination des peuples se conjuguera toujours avec le droit de résistance à l'oppression, sous les formes prévues par l'article 1 du même texte sur le but de l'Organisation des Nations Unies :

"Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde"

Les peuples disposent d'eux-mêmes, et toute forme de résistance à l'oppression pour un peuple, n'est que de sa seule et unique responsabilité. Un soutien militaire d'une puissance étrangère, sauf en contexte de guerre réelle, ne saurait justifier l'exercice du droit de résistance. Notons d'ailleurs que des révolutionnaires faisant appel au soutien militaire d'une puissance étrangère ne peuvent être considérés que comme des traîtres à leur patrie, non comme d'aimables rebelles. En toutes circonstances, un peuple doit trouver les ressorts en lui-même pour résister, sans s'asservir à des intérêts étrangers. Mais sans doute que ces considérations sont quelque peu complexes à entendre pour le trio diabolique Juppé/Sarkozy/Longuet. Pourtant, la Charte des Nations Unies dans son article 33, offrait quelques solutions possibles pour tenter de raisonner feu Mouammar Kadhafi, cela sans avoir besoin de recourir à l'usage des forces armées :


"Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en rechercher la solution, avant tout, par voie de négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix".

Evidemment, quand il s'agit de légitimer une intervention illégale, tous les arguments sont bons, y compris celui d'un péril imminent pour les émeutiers de Benghazi par exemple. Cependant, la Libye était alors un état souverain, et seules les autorités libyennes étaient donc légitimes à définir les forces policières ou militaires à affecter pour faire cesser des émeutes. Accepterions nous par exemple, d'être bombardés en France par un pays tiers, sous prétexte que notre gouvernement réprime violemment une manifestation ? Les USA nous ont-ils envahi en Mai 68 pour empêcher le gouvernement d'alors, de réprimer les émeutes ? Et de quelle enquête bénéficions-nous exactement pour justifier que la répression des troubles à Benghazi était disproportionnée et criminelle ? Quelles négociations ont été entreprises à proprement parlé ? Quels moyens pacifiques ont été utilisés pour tenter de régler ce problème, au-départ de compétence strictement nationale pour la Libye ? Evidemment, la propagande de guerre ignore superbement le droit international, et n'allez pas espérer une once d'humanisme chez des gens prêts à autoriser la guerre pour satisfaire la côte de popularité d'un président ou piller du pétrole.

Et lorsque de tels actes se produisent, nous entrons pleinement dans les crimes contres l'humanité. L'article 7 des statuts de Rome sur la Cour Pénale Internationale, précise ce qu'est un tel crime :

Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque : Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste [...], ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international.

Les Libyens qui soutenaient Kadhafi sont un groupe politique, de même que les Libyens dans leur ensemble, sont un groupe national. Ce peuple encore une fois, n'a agressé aucune nation belligérante. Les Qataris, les Saoudiens, les Français, les Américains ou encore les Anglais, n'ont absolument aucun argument de droit international, qui justifiasse une guerre de légitime défense contre la Libye. Dès lors que des immeubles, des infrastructures de distribution d'eau et d'énergie ont été détruits, et que des milliers de civils ont péri dans les actes de guerre commis par la coalition belligérante, il convient de parler de crime contre l'humanité, mais aussi de crimes de génocide. 

Ainsi, l'article 211-1 du Code Pénal dispose que :


« Constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de membres de ce groupe, l'un des actes suivants :

-atteinte volontaire à la vie ;

-atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;

-soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du groupe ;

Le génocide est puni de la réclusion criminelle à perpétuité ».

Y-a t'il un traître mot de la langue française qui serait définitivement incompréhensible à messieurs Juppé, Sarkozy et Longuet ? 

Pour ma part, j'appelle à ce que des Magistrats se saisissent enfin d'un tel dossier. Messieurs Alain Juppé, Sarkozy et Longuet doivent non seulement être poursuivis pour leurs crimes de sang sur le territoire français, mais aussi à la Cour Pénale Internationale de La Haye. 

A l'heure où les pires pourritures fanfaronnent à la télévision pour motiver les électeurs à leur octroyer un bulletin de vote, j'aimerais que la Justice cesse d'être sourde aux cris des civils morts en Libye, et que le droit pénal, constitutionnel et international soit pleinement appliqué contre ces génocidaires et ces traîtres.

Retrouvez le texte en audio sur cette vidéo :