jeudi 7 décembre 2017

Le dépeçage d'Alstom, une affaire de haute trahison

Le 29 Avril 2014, le journal « Le Figaro » nous apprenait que Patrick Kron, PDG du groupe Alstom, ainsi que son actionnaire principal Bouygues, s’apprêtaient à céder la branche énergie au groupe américain General Electric. En réalité, Arnaud Montebourg, alors Ministre de l'économie, révélera que les discussions entre General Electric, Bouygues et Alstom ont débuté dès le mois de Février 2014. 

François Hollande ignorant sans doute qu'il est à l'époque Président de la République, « réclame » à ces messieurs du temps pour préparer le désengagement de l'Etat (qui sera en vérité très rapide). Le lundi 28 Avril au matin, il a en effet reçu à l'Elysée Jeff Immelt, président de General Electric.

Pour l'assister dans ses discussions, François Hollande est alors secondé par Jean-Pierre Jouyet, énarque eurolâtre ayant ses entrées au Club du Siècle, débarqué 12 jours plus tôt au Secrétariat Général de la présidence de la République. Le Secrétaire Général Adjoint du cabinet de la présidence de la République, Emmanuel Macron, est pour sa part présent depuis la première année du mandat de François Hollande. Et lui aussi participe aux discussions avec Jeff Immelt. Enfin, le sémillant Ministre de l'économie et du « redressement productif » de l'époque, Arnaud Montebourg, est consulté pour la forme, mais son avis sera sans importance. Ce sont en effet les conseillers élyséens Jean-Pierre Jouyet et Emmanuel Macron qui auront l'ascendant dans les discussions ce matin-là. Arnaud Montebourg est réduit à son impuissance politique, et il sera d'ailleurs remercié le 25 Août de la même année pour être remplacé par... Emmanuel Macron. Désormais, le futur président de la république bananière française, peut piloter en bon banquier la négociation. C'est aussi à cette date qu'il prend sa part de responsabilité sur les décisions, décrets et arrêtés qu'il fera publier sur cette transaction.

François Hollande communique en faisant valoir qu'il se préoccupe en premier lieu de l'emploi, du maintien de centres de décisions en France et l'indépendance énergétique de la France. L'État réclame ainsi que GE s'engage à poursuivre les projets d'Alstom dans le domaine de l'éolien offshore et de l'énergie hydraulique en France. Il souhaite également que l'américain perpétue la présence d'Alstom dans « l'équipe de France » du nucléaire à l'export. Arnaud Montebourg pour sa part souhaite sanctuariser les filiales en relation avec le nucléaire, en les mettant à l'abri de la transaction, qui originellement ne portait pas sur cette branche d'activité.

La trahison (Art. 411-5 du Code Pénal) supposant des complicités à des degrés divers d'un appareil d'Etat, il convient d'évoquer d'autres noms en lien avec cette affaire. Nous aurons un jour des explications à leur demander. Ainsi à cette époque, David Azéma, haut-fonctionnaire et banquier, faisait la relation entre l'Etat et les dirigeants d'Alstom sur ce dossier au sein de l'agence des participations de l'Etat. Son départ de l'institution le 14 Juillet 2014 pour se mettre au service de Bank of America afin « de faire de l'argent » est, étrange hasard, l'occasion d'un chassé-croisé avec Laurence Boone, elle-même économiste pour Bank of América propulsée au poste de conseiller économique et financier à l'Elysée en juillet 2014. Cela fait beaucoup d'intérêts américains représentés directement ou indirectement aux côtés de François Hollande, au moment où il s'agit de défendre une industrie stratégique française de la prédation d'une multinationale américaine.

Mais l'heure est à la grande braderie et à tous les asservissements. Au point même que d'anciens capitaines d'industrie s'insurgent, avec par exemple, un article signé par Loïk le Floch Prigean sur le site Atlantico, le 2 Mai 2014, où il s'interroge notamment sur le fait qu'un groupe dégageant 50 Milliards de commandes, qui est donc en parfaite santé financière et alimentant de surcroît la filière du nucléaire français, s'il a vocation à passer sous contrôle étranger ?

Le 24 Juin 2014, Patrick Kron répond aux questions de l'Est Républicain, et précise d'une part que le groupe a 25 Milliards de commandes sur 4 ans (ce qui prouve donc l'absence de difficultés justifiant une quelconque cession d'actifs), mais aussi qu'il a réclamé à l'Etat de s'engager à hauteur de 20 % dans l'actionnariat d'entreprise.

Début Juillet, un article dans le journal « Marianne », révèle que des poursuites pour corruption à l'encontre de dirigeants d'Alstom travaillant sur territoire américain ont été abandonnées le lendemain même de la validation de vente d'Alstom Energie à General Electric.


« Alstom est accusé d'avoir versé des pots-de-vins à un membre du Parlement indonésien et à des dirigeants de Perusahaan Listrik Negara PT (PLN), une compagnie électrique contrôlée par l'Etat indonésien, dans le cadre d'un contrat de 118 millions de dollars portant sur la centrale électrique de Tarahan, situé sur l'île indonésienne de Sumatra. C'est en enquêtant sur ce contrat que la justice américaine aurait découvert des preuves d'autres pots-de-vins dans des contrats portant sur des projets énergétiques en Indonésie, en Inde et en Chine ».

En 2015, Emmanuel Macron a lui-même révélé "croire" que la séparation de la branche Energie d'Alstom, visait d'avantage à protéger Patrick Kron et certains de ses cadres sur des poursuites judiciaires aux USA, tout en défaisant Alstom du risque d'une amende record de 720 Millions de Dollars. Ainsi, pour échapper aux foudres de la Justice américaine, Patrick Kron était prêt à dépecer la France d'une part de son patrimoine industriel le plus stratégique, et il fut conseillé pour le montage financier à produire par... Bank of America. 

Le 19 décembre 2014, les actionnaires (dont l'Etat Français) autorisent la cession d'Alstom Energie à General Electric. Patrick Kron empoche 4 Millions d'euros de bonus pour ses bons et loyaux services. Un pot-de-vin légalisé en somme.

Le 5 janvier 2015, le journaliste Jean-Michel Quatrepoint publie un article sur le Figaro, mettant en cause la responsabilité du fraîchement catapulté Ministre de l'Economie et des Finances Emmanuel Macron, sur sa passivité concernant ce dossier, ou plutôt l'énergie qu'il a déployé à faciliter la transaction

« Le protocole d'accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l'assemblée générale d'Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant! tant il fait la part belle à Général Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier » 

Il précise dans ce papier, la répartition de la construction des turbines de réacteurs nucléaires civils ou militaires en France. En 2000, l'usine du Creusot de la filiale Thermodyn d'Areva (anciennement Framatome) a été cédée à Nuovo Pignone, industriel italien de mécanique de précision lui aussi racheté par General Electric.

Thermodyn qui est donc sous contrôle américain, fournit la moitié des turbines à vapeur de notre Marine Nationale. C'est aussi cette usine qui forge les turbines des Sous-Marins Nucléaires d'Attaque français (SNA). D'autres usines du Groupe Alstom (sans doute celles de Belfort), assurent la construction des turbines propulsant notre porte-avion le « Charles de Gaule », ou encore nos Sous-Marins Lanceurs d'Engins (SNLE).

Je voudrais reprendre ici une publication du groupe General Electric sur son propre site internet, qui se flatte de détenir des usines autrefois totalement françaises, lui permettant d'avoir la main-mise sur des données technologiques extrêmement sensibles du point de vue de notre indépendance nationale :

« Équiper des sous-marins nucléaires en turbines à vapeur est un véritable défi technologique, que relève Thermodyn, une filiale de GE Oil&Gas au Creusot. Depuis plus de 50 ans, les sous-marins nucléaires français sont équipés avec les turbines à vapeur de cette entreprise. 

“Imaginez-vous dans un sous-marin nucléaire. Le turbo-alternateur redresseur qui est ici serait à tribord et il y en aurait un autre à bâbord. Ce sont eux qui assurent la production d’électricité à bord. Entre les deux, une turbine de propulsion qui entraîne l'hélice”, expose Didier Blondaux, ingénieur principal « turbines vapeur » du site. Nous sommes dans la chambre sourde spécialement aménagée dans les ateliers du Creusot pour réaliser des tests confidentiels destinés à mesurer les bruits et les vibrations. Objectif ? S'assurer que la turbine ne rendra pas détectable le nouveau sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) de la Marine nationale, le Barracuda.

GE Oil & Gas au Creusot a été choisie par la DCNS, leader mondial du naval de défense, pour équiper en turbines les six sous-marins de cette nouvelle génération de SNA. La commande a été passée en 2007. Les premières machines ont déjà été livrées et les équipes du Creusot travaillent maintenant sur celles du deuxième navire. Au total, l'engagement pour le site du Creusot court jusqu'en 2024. Un chantier considérable. Et très complexe.

“Quand on travaille avec le militaire, les contraintes sont nombreuses : il faut que les machines résistent aux chocs comme à une accélération brusque et à une forte inclinaison. Comme il n'y a pas un centimètre à perdre dans un sous-marin, elles doivent être ultra compactes, précise Didier Blondaux. Si leur principe de fonctionnement est le même que celui de turbines classiques, nous construisons des turbines uniques. Il n'y a quasiment aucune pièce standard.”

Le site du Creusot, acquis par GE Oil&Gas en 2000, est un fournisseur historique de DCNS : les turbines à vapeur de la génération actuelle de SNA, ainsi que celles des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins mais aussi les turbo-alternateurs du porte-avions Charles de Gaulle, ont été fabriqués dans l'usine du Creusot, au cœur de la Bourgogne ».

J'interroge ici chacun de mes compatriotes, et les membres de notre Etat-Major en premier lieu, sur la confidentialité garantie quant aux normes acoustiques du Barracuda : dès lors que l'Etat-Major américain peut détenir et dispose certainement déjà de toutes ces données sensibles, disposons-nous en retour d'un droit de regard sur les secrets de fabrication de technologies militaires américaines d'une sensibilité équivalente ?

Et c'est ici que je redonne la parole à M. Quatrepoint pour enfoncer ce qui me semble être pourtant une porte ouverte pour n'importe quel responsable politique, amiral ou général d'armée un peu sérieux :

« Les Etats-Unis sont nos alliés, mais il peut arriver dans l'histoire que des alliés soient en désaccord ou n'aient pas la même approche des problèmes, notamment dans la diplomatie et les relations entre États. Est-on sûrs qu'en cas de fortes tensions entre nos deux pays, comme ce fut le cas sous le Général de Gaulle, la maintenance de nos centrales nucléaires, la fourniture des pièces détachées seront assurées avec célérité par la filiale de GE?

En outre, on a également oublié de dire qu'il donne à GE le monopole de la fourniture de turbines de l'ensemble de notre flotte de guerre. D'ores et déjà, le groupe américain fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine, à travers sa filiale Thermodyn du Creusot. Alstom produit le reste, notamment les turbines du Charles de Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d'engins. Demain, GE va donc avoir le monopole des livraisons pour la marine française. Que va dire la Commission de la concurrence? Monsieur Macron a-t-il étudié cet aspect du dossier?

Enfin, il est un autre secteur qu'apparemment on a oublié. Il s'agit d'une petite filiale d'Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l'espace. C'est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l'erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a t il donné son avis ? 

Reste une question qui, quoi qu'aussi angélique que décliniste dans ses fondements, est régulièrement soulevée par des journalistes de propagande :

« La France a-t-elle les moyens de se prémunir de la prédation d'intérêts étrangers sur son patrimoine industriel stratégique » ?

La réponse est définitivement et irrévocablement oui. D'abord parce que la France est un Etat Souverain et absolument rien n'est impossible à un Etat en matière de légifération ou de décision sur son propre territoire. 

Mais plus encore, nous disposons de toute une panoplie d'instruments juridiques organisant les niveaux de responsabilité pour tout ce qui relève des intérêts fondamentaux de la nation. Ainsi, l'article 151-3 du Code Monétaire et financier dispose que :

"I. – Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :

a) Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives.

Un décret en Conseil d'Etat définit la nature des activités ci-dessus.

II. – L'autorisation donnée peut être assortie le cas échéant de conditions visant à assurer que l'investissement projeté ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux visés au I.

Le décret mentionné au I précise la nature des conditions dont peut être assortie l'autorisation.

III. – Le ministre chargé de l'économie, s'il constate qu'un investissement étranger est ou a été réalisé en méconnaissance des prescriptions du I ou du II, peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

Cette injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations dans un délai de quinze jours.

En cas de non-respect de l'injonction précitée, le ministre chargé de l'économie peut, après avoir mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimum de quinze jours, sans préjudice du rétablissement de la situation antérieure, lui infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève au double du montant de l'investissement irrégulier. Le montant de la sanction pécuniaire doit être proportionnel à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine.

Ces décisions sont susceptibles d'un recours de plein contentieux".

Il m'a semblé important de revenir sur l'affaire Alstom, chapitre que j'ajoute à la fin de l'année 2017, quelques mois après l'élection d'Emmanuel Macron au mandat de Président de la République. En effet, si j'élude ici les circonstances ayant favorisé l'élection de cet eurocrate - protégé de François Hollande, Alain Mink et Jacques Attali et ancien chargé d'affaire à la Banque Rothschild - jusqu'au sommet de nos institutions, je regrette presque de constater que son entrée fulgurante dans le monde politique lui vaut les apparences d'une certaine virginité en matière de corruption et de crimes de lèse-nation. Or, tel n'est pas le cas...

L'expérience des procès où la haute trahison était l'objet de toutes les discussions concernant d'anciens dirigeants politiques français (Laval et Pétain en premier lieu), montre que la défense choisira toujours de s'orienter sur la dilution des responsabilités. Cela du fait même qu'un chef d'Etat, un Premier Ministre ou tout responsable politique en général, est secondé par des fonctionnaires ou hauts-responsables militaires, qui peuvent à tout moment faire part de leur critiques, désobéir voire démissionner s'ils ont le sentiment qu'une « décision politique » est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. 

Ainsi, puisque personne ne semble assez courageux ou conscient des enjeux pour contester les décisions des puissants, on pourrait supposer que ces décisions sont jugées opportunes, ou du moins partagées par toute une chaîne de commandement. A ce jeu là, le moindre fonctionnaire, soldat ou même citoyen finalement passif face aux événements, pourra tout à fait être inclus dans la chaîne de responsabilité conduisant à une aliénation des intérêts de la nation. Mais on ne juge pour haute trahison qu'un nombre réduit de responsables politiques ou institutionnels, cela pour des raisons autant politiques que fonctionnelles. Les exécutants se distinguent des décideurs sur le fait qu'ils ne ratifient pas des arrêtés, décrets ou ordonnances, ne participent pas aux discussions les plus stratégiques et confidentielles, et quand c'est le cas, n'ont qu'une influence relative, voire neutre. Les décideurs sont donc nécessairement un Chef d'Etat, des membres du Gouvernement, et quelques haut-fonctionnaires le plus souvent en matière de politique économique et militaire.

Emmanuel Macron ayant participé activement à la cession de la branche énergie du groupe Alstom à des intérêts américains, cela en tant que Ministre de l’économie, porte donc une responsabilité qu'il devra un jour assumer jusque devant les tribunaux. Par ailleurs, c'est dans une toute autre affaire que j'évoquerai dans un chapitre consacré à la question syrienne, qu'en tant que Ministre de l'économie, il faisait aussi partie du Conseil de Défense de François Hollande, et pouvait préférer remettre sa démission, plutôt qu'autoriser l'ouverture de crédits permettant de doter des terroristes en armes et différents soutiens logistiques sur un territoire étranger. Ne pas agir revient à consentir. Et sur au moins deux affaires entachant très gravement le précédent gouvernement de la France, Emmanuel Macron n'est pas vierge de responsabilités pénales.


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